Paysage d'arbres d'automne avec leur reflet dans le lac

 

Qu’est-ce que le trouble affectif saisonnier ?

Les journées raccourcissent, la saison froide arrive, c’est l’automne. Chaque année c’est la même chose, vous vous sentez fatigué, avez une perte d’énergie, êtes somnolent durant la journée, vous avez plus d’appétit, mangez des aliments riches et sucrés, votre moral est au plus bas, bref vous aimeriez hiberner pour tout l’hiver?

Sachez que vous n’êtes pas seul puisqu’environ 20% de la population ressent aussi les « blues de l’hiver » et 3% va souffrir du trouble affectif saisonnier (TAS), un type de dépression qui survient de façon récurrente à l’automne ou à l’hiver et se résorbe naturellement au printemps.

En fait, le TAS touche surtout les jeunes adultes et la prévalence semble diminuer avec l’âge. Ce trouble de l’humeur affecte davantage les femmes que les homme et la prévalence à vie au Canada serait d’environ 840 000 Canadiens affectés et 225 000 Québécois.

 

Comment distinguer la dépression saisonnière de la dépression majeure ?

Chez les personnes atteintes du TAS, aussi appelé dépression saisonnière hivernale, les symptômes sont plus incapacitants, on parle d’un véritable trouble de l’humeur avec symptômes dépressifs, un gain de poids important étant donné l’augmentation accrue de féculents et de sucreries, de l’hypersomnie et parfois même une dévalorisation importante et de la culpabilité excessive.  Le fonctionnement normal de la personne est vraiment affecté avec le manque de lumière et le raccourcissement des journées d’ensoleillement. Mais alors, quelle est la différence entre ce type de dépression et une dépression plus commune ?

En fait, dans le cas d’une dépression majeure (voir DSM-5), les symptômes de tristesse et d’anhédonie (perte de plaisir) peuvent survenir à n’importe quel moment dans l’année, alors que typiquement, dans le cas de la dépression saisonnière, l’humeur est affectée soudainement à l’automne et l’hiver et il y a une guérison spontanée au printemps.  Dans le cas d’une dépression majeure, les traitements sont différents et il est difficile de prévoir la rémission.

Femme de dos avec faible lumière du soleil

Symptômes de dépression saisonnière hivernale ou TAS :

– Manque d’énergie

– Somnolence et hypersomnie*

– Trouble de l’humeur (tristesse, ennui et/ou irritabilité)

– Augmentation de l’appétit (aliments sucrés et riches en féculents)*

– Gain de poids

– Isolement et évitement d’activités sociales, perte d’intérêt et diminution de libido, en lien avec le manque d’intérêt et d’énergie

– Culpabilité excessive et désespoir (dans certains cas plus grave)

– Au moins 2 épisodes dépressifs consécutifs durant l’automne ou l’hiver

– Guérison spontanée au printemps*

*Symptômes atypiques de la dépression majeure

AVERTISSEMENT

Si vous pensez souffrir de symptômes de dépression saisonnière, vous devez consulter un(e) professionnel(le) de la santé qui pourra faire une investigation afin d’évaluer votre santé mentale et d’éliminer d’autres causes possibles à votre état. N’hésitez pas à rencontrer votre pharmacien, médecin traitant, infirmière ou psychologue qui pourront vous aider à comprendre votre état et surtout à surmonter cette période difficile.

Heureusement, pour la majorité de la population, le manque de lumière à l’automne et durant les mois de l’hiver, amène surtout une certaine morosité et un ralentissement des activités habituelles. En effet, la prévalence de la déprime hivernale serait d’environ 18% contre 3% pour les personnes atteintes de trouble affectif saisonnier sévère.

Causes et origine de ce trouble de l’humeur saisonnier

Le Dr Norman E. Rosenthal, psychiatre et chercheur mondialement reconnu a été le premier à identifier les symptômes atypiques de la dépression saisonnière hivernale, découvrant ainsi un type de dépression très spécifique à l’automne. Aujourd’hui, professeur clinique de psychiatrie à l’École de médecine de Georgetown et clinicien dans une clinique privée du Maryland, sa contribution pour ses recherches novatrices et auteur de best-seller, dont…

Pour l’instant, l’origine du trouble affectif saisonnier (TAS) demeure inconnu, car les études montrent plusieurs facteurs en cause. Bien sûr, les chercheurs se sont d’abord penchés sur le manque de soleil à l’automne et durant les mois d’hiver comme étant une possible cause à la dépression saisonnière hivernale. Ils ont d’ailleurs découvert que la mélatonine, cette hormone du sommeil, pouvait jouer un rôle important dans la régulation du rythme circadien et que sa production être déréglée lors d’une diminution drastique de luminosité à l’automne et l’hiver. En effet, chez les gens atteints de TAS, certaines études démontrent un taux anormalement élevé de mélatonine durant le jour, même si l’exposition à la lumière naturelle devrait inhiber sa production. Ainsi, l’horloge biologique interne serait perturbée lors du changement des saisons chez les personnes souffrant de TAS, ce qui viendrait affecter leur sommeil, les rendant plus somnolents.

L’origine du trouble affectif saisonnier est inconnu et les causes seraient multifactorielles.

Marie-Pier Lavoie, psychologue et spécialiste de la dépression saisonière et ses traitements

En plus de l’impact des heures d’ensoleillement réduites à l’automne et l’hiver et la fluctuation de nos hormones, les chercheurs ont démontré que le dérèglement de certains neurotransmetteurs (ces substances chimiques qui permettent aux neurones du cerveau de communiquer entre eux) pourrait être en cause dans le développement du trouble affectif saisonnier.

En effet, il a été démontré que la forte luminosité augmente niveau de sérotonine (l’hormone du bonheur) qui a pour fonction de réguler l’humeur, tout comme la dopamine qui serait impliquée dans la motivation. De même, certaines études prétendent qu’une carence en vitamine D, affecterait les niveaux de sérotonine et de dopamine dans notre organisme. Ainsi, avec la baisse de luminosité à l’automne et l’hiver, notre corps produit moins de vitamine D. En plus de ces causes, la génétique pourrait également contribuer au développement de la dépression saisonnière hivernale. Vous seriez donc plus à risque si un membre de votre famille serait atteint par ce syndrome saisonnier.

Il est donc important de comprendre que l’origine du trouble affectif saisonnier demeure inconnu et que plusieurs facteurs semblent être impliqués dans le développement de cette maladie.

Comment mieux vivre et prévenir la dépression saisonnière à l’automne ?

Arbre séparant un sentier avec feuilles d'automneParmi les traitements scientifiquement reconnus, la luminothérapie, demeure le traitement de choix pour traiter le trouble affectif saisonnier et la déprime hivernale. Il est d’ailleurs recommandé de débuter son traitement avant l’apparition des symptômes, soit à la fin de l’été. Plusieurs méta-analyses font état de l’efficacité de cette thérapie pour traiter ce syndrome, dont une produite en suggérant que la luminothérapie serait aussi efficace que les antidépresseurs généralement utilisés pour traiter le trouble affectif saisonnier. En effet, le taux d’efficacité de ce traitement se situe entre 50 et 80%, amenant un niveau égal à un traitement par antidépresseur en plus d’être moins invasif et moins coûteux.  

Parmi les autres traitements qui ont démontré leur efficacité pour contrer la dépression saisonnière, la thérapie cognitive-comportementale (basée sur la résolution de problèmes et la modification des pensées et des comportements) apporte de bons résultats, particulièrement si elle est combinée à la luminothérapie. Ainsi, les patients apprennent à modifier leurs fausses croyances quant à l’automne et l’hiver et développent des stratégies afin de s’adapter à la saison froide. De plus, ce type de psychothérapie peut prévenir le risque de rechute d’une année à une autre, en adoptant des comportemetns plus adaptés et en maintenant une perception plus positive de la saison froide.

D’autre part, les avantages de l’activité physique sont reconnus tant pour les bienfaits au niveau physique et sur la santé mentale. En effet, la pratique de façon régulière d’une activité physique pourrait aider à lutter contre les symptômes de dépression saisonnière et compenser pour le manque de lumière que tout le monde subit à l’automne et l’hiver. En effet, la libération d’endorphines suite à une activité physique aide à réguler les émotions et l’humeur en plus d’augmenter les neurotransmetteurs, dont la sérotonine dans le cerveau. De plus, au niveau psychologique, les études démontrent une amélioration de l’estime de soi et une augmentation du sentiment de maîtrise et d’efficacité.

Des études ont également démontrées que la nutrition pouvait avoir un impact sur notre régulation d’humeur. En effet, il semble que des aliments plus riches en glucides, contrairement aux aliments protéinés, libère davantage de sérotonine dans notre cerveau. C’est d’ailleurs pourquoi les gens atteints de dépression saisonnière ont davantage d’intérêt pour les aliments riches en glucides (ex. biscuits, croustilles, pâtes, etc.) et se sentent mieux rapidement, mais leur effet est temporaire, sans compter qu’ils sont à haute densité énergitique, ce qui amène un gain de poids. Toutefois, selon les nutritionistes, il serait plus judicieux d’opter pour des aliments riches en glucides, mais à haute valeur nutritive comme les légumineuses, patates douces, céréales à grains entiers et fruits. Ils auront tendance à être assimilés plus lentement par l’organisme afin de maintenir un niveau de sérotonine plus stable et donc une meilleure stabilité de l’humeur. De plus, comme les études montrent un lien entre les carences en vitamine D et les symptômes dépressifs, il est préférable de porter attention à l’apport en vitamine D. Comme cette « vitamine soleil » est synthétisé par la peau lors d’une exposition au soleil, les populations nordiques sont plus à risque de carences durant l’automne et l’hiver, alors un supplément en vitamine D est recommandé puisqu’il est difficile de couvrir les besoins uniquement l’alimentation. Optez pour un dosage de 1000 à 2000 unités internationales (UI) par jour pour les 9 ans et plus.

Finalement, les antidépresseurs, prescrits par un médecin traitant, sont également un moyen de lutter contre la morosité et les symptômes du trouble affectif saisonnier. Le buproprion est particulièrement recommandé pour les symptômes de dépression saisonnière et peut même aider à prévenir la récurrence de la maladie s’il est administré au début de l’automne, avant l’apparition des symptômes, et être prolongé tout au long de l’hiver.

Conseils pour combattre la dépression saisonnière* :
-	Procurez-vous une lampe de luminothérapie certifiée que vous pourrez utiliser à tous les jours avant l’apparition des symptômes ou aller marche au moins une heure à l'extérieur ;
-	Profitez de la lumière naturelle du jour en hiver autant que possible ;
-	Donnez-vous le défi, malgré la fatigue, de bouger, d’aller voir des amis, des proches et de faire une activité agréable par jour ;
-	Conservez un horaire de lever et de coucher régulier, même la fin de semaine ;
- Veillez à avoir une alimentation équilibrée, d'ajouter des aliments riches en glucides à haute valeur nutritive ainsi qu'à prendre un supplément de vitamine D;
-	Faites de l’activité physique (idéalement à l’extérieur) régulièrement;
-	Corrigez votre discours interne s’il est négatif et centré sur la dévalorisation, rappelez-vous que vous n’êtes pas seul et aller chercher de l’aide en cas de difficulté majeure.

*Ces conseils ne remplacent pas l’avis d’un professionnel de la santé. Si les symptômes persistent et qu’ils perturbent votre fonctionnement normal, consultez un(e) professionnel(le) de la santé mentale.

Références

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